2000 Udine Conférence

6ème congrès international Domitor Udine, 21–25 mars 2000

Arts cinématiques et autres

Le sixième congrès international Domitor a eu lieu à l’Università degli Studi di Udine en Italie, dans le but de considérer la relation du cinéma à d’autres formes artistiques. Les conférenciers ont examiné le cinéma en tant qu’art inter-médiatique et lieu de rencontre entre la littérature, les arts scéniques, etc.

L’APPEL AUX CONTRIBUTIONS (DU BULLETIN DOMITOR)

1. L’impureté: modèles. La recherche de modèles et de points de repère tirés de systèmes déjà établis et familiers (et, plus tard, de systèmes esthétiquement « légitimes ») a longtemps marqué l’histoire du cinéma. Depuis ses débuts, le cinéma était une forme impure, qui contenait des traces de figures, de formes et de structures empruntées, de même que des systèmes de représentation, de signification et de narration. Au sein de cet énorme réseau de contributions, d’échanges et de relations, nous proposons d’isoler et d’explorer quelques processus précis :

  • l’impureté du cinéma avant son « institutionnalisation » est différente de celle qui la caractérise plus tard au cours de son développement. Il devient donc nécessaire de considérer cette période séparément afin de comprendre sa façon particulière d’incorporer certains systèmes linguistiques, expressifs, etc. pour convenir à ses besoins.
  • loin d’être un obstacle, cette période de mélanges et de combinaisons avec d’autres systèmes (et d’autres expériences, d’autres compétences) était un moment clef dans le développement du cinéma. Le Film d’artfrançais, l’Autorenfilm allemand et les films symbolistes italiens ne sont que trois exemples de la fécondité de cette période.
  • la naïveté, pour ne pas dire la primitivité, d’un contexte individuel (par exemple, le cinéma russe pré-révolutionnaire) peut être questionné et reconsidéré en relation à d’autres systèmes (la peinture populaire, les illustrations, etc.). Ces ressources ont été longtemps négligées, faute d’accès aux sources primaires. Plusieurs surprises attendent le chercheur qui s’aventure à les étudier.

2. L’impureté comme trait principal du “film” comme objet. Le texte filmique résulte de la co-existence de plusieurs couches ou stades de l’image : sa reproduction à l’aide d’une caméra, la projection sur un écran, le contenu qui y est représenté (un ballet, du théâtre, des spectacles son et lumière, etc.), les couches performatives (comme le bonimenteur), les couches musicales (l’accompagnement), etc. Le « film » est né de la combinaison d’un art attaché aux processus techniques de reproduction avec d’autres arts (performatifs, musicaux, etc.) qui ne le sont pas. Les enjeux de cette combinaison ont été examinés en détail à la conférence internationale de l’Étude du Cinéma (« The Bounds of Representation », mars 1999) et nous proposons ici de continuer sur cette voie.

3. Théories du Cinéma. Le début du 21e siècle est marqué par un intérêt accru pour les théories examinant l’interaction entre diverses formes d’art – tant leurs différences que leurs ressemblances.  L’étude du cinéma est un des meilleurs exemples de cette tendance ; cependant, au cours de son développement, il  a de plus en plus isolé certaines théories et négligé d’autres – ne valorisant que certaines tendances, certaines voix,certains contextes les plus représentatifs. En retournant au contraire aux théories oubliées, « fausses », excentriques – celles qui ne cadrent pas parfaitement au système établi – nous pouvons améliorer notre compréhension du sujet (le cinéma des premiers temps, mais aussi après son institutionnalisation), qui est si mal compris, justement en raison de cette tendance de vouloir y imposer des théories anachroniques.

4. Impasses. L’évolution du cinéma aurait pu se dérouler bien autrement qu’elle ne l’a fait. En réalité, ce sont les formes narratives qui ont pris le dessus, cependant au tout début le cinéma était fortement marqué par l’influence de formes comme la peinture et la pantomime. Ces modèles de référence alternatifs n’étaient nullement bizarres, ni de simples expérimentations : ils représentaient une tentative réelle de déplacer et de modifier le paradigme du discours cinématique.

5. Le cinéma comme extension. Plusieurs théories sur le cinéma proposent de considérer celui-ci commeprolongement d’autres genres et formes artistiques : selon ces modèles, le film animé serait une extension des bandes dessinées et autres illustrations ; le film « absolu » serait une extension de la peinture abstraite ; le film sérialisé serait l’extension du roman en feuilleton. (Comment alors me pas voir le cinéma actuel comme extension des bandes dessinées ?) Cette voie théorique peut être explorée de façon plus complexe, comme dans le travail de Jacques Aumont, qui parle de la dissolution de la peinture dans le cinéma.

6. L’influence du cinéma sur les autres arts. Le sujet est vaste et rend nécessaire de cerner notre étude sur quelques contextes clés : par exemple les formes non-cinématiques de la proposition et la matérialisation d’un film, ainsi qu’une analyse du cinéma qui est pratiqué (et non simplement « simulé ») dans la littérature, le ballet, la peinture.

7. Le cinéma comme « expérience » qui affecte d’autres pratiques telles l’écriture littéraire et figurative, l’imagination musicale ou architecturale, etc. Il n’est pas question ici d’un « langage » cinématique, ni d’un système de représentation mimétique, mais de tout un paradigme perceptuel, une nouvelle façon d’être incarnée par la figure du spectateur cinématique.

8. Le cinéma comme révélation et voie d’auto-connaissance pour les autres formes artistiques, une façon pour eux – et pour l’art en soi – de réfléchir sur leur nature.

9. Le cinéma comme instrument de communication, comme forme typiquement « moderne » et exerçant une certaine influence sur la société. L’effet du cinéma sur les autres formes artistiques est donc souvent de les inciter à reformuler leur nature comme média : comme systèmes de communication et d’organisation sociale.

TABLES-RONDES ET PRÉSENTATIONS

Premier jour

Leonardo Quaresima (Università di Udine), “Presentazione”

Tom Gunning (Université de Chicago), “The Art of Movement”

François de la Bretèque (Université de Montpellier), “Ombres chinoises et origines du cinéma”

Antonia Lant (Université de New York), “Opera for Cinema and for the Female Filmgoer”

Leslie Midkiff De Bauche (Université de Wisconsin, USA), “High Fashion, Costume Design and Character Type: How Clothes Helped Billie Burke Become an ‘American Girl’”

 

Robert Stam (Université de New York), “Cinema and Other Arts: Filmic Adaptations of Novels”

Natalia Noussinova (Istituto di Riecerche sul Cinema, Mosca), “Le Portrait de Dorian Grey par Vsevolod Meyekhold: de la littérature au cinéma via le théâtre”

Frank E. Kessler (Universiteit Utrecht), “Arts de l’illusion. La féerie sur scène et à l’écran”

Alain Carou (Ecole des Chartes, Paris/ENSSIB, Lyon), “L’autre art muet. Pantomime(s) et cinéma en France”

Amy Sargeant (Université de Plymouth), “Architectural Amateurs, Architecture Professionals and Early Cinema in Britain”

Georges Gaudu (Université de Paris VII), “L’invention continue de la scène imaginaire dans le cadre de la scopie cinématographique”

Deuxième jour

David Mayer (Université de Manchester), “Opening a Second Front: The Civil War, the Stage, and D. W. Griffith”

Gwendolyn Waltz (Hillsdale, Michigan), “Embracing Technology: A Primer of Early Multi-Media Performance”

Pierre Véronneau (Cinémathèque Québequoise, Canada), “Un combat intermédial d’appropriation: théâtre vs. cinéma avant 1914”

Leonardo Gandini (Università di Bologna), “Leaving Home, Leaving Theatre”

Gregory A. Waller (Université de Kentucky), “Photodramas and Photoplays, Stage and Screen 1907-1915”

Victoria Duckett (Université de Manchester), “Discovering Delaroche: Sarah Bernhardt, Queen Elizabeth and the Film Art”

 

François Jost (Université de Paris III), “Le film comme prolongement de la sculpture”

Francesco Bono (Università della Tuscia, Viterbo), “Il dibattito sul cinema nell’Austria degli anni Dieci”

Anna C. N. Van Beusekom (Amsterdam), “Film Specifics Rejected. Pre-modernist Voices Pro and Contra Film as an Art in the Teens”

Scott Curtis (Northwestern University, USA), “Aesthetics as Applied Physiology: Corporal Understanding in the Kino-debatte”

François Albera (Université de Lausanne), “Modalités de la vision moderne dans les arts et au cinémà: le cas de Robert Delaunay avant 1914”

Jean Mottet (Université de Tours), “Peinture et cinéma: la difficile invention du paysage urbain de New York (1890-1915)”

Muriel Andrin (Université Libre de Bruxelles), “Gorgô ou la Médusation: continuité et renouveau de la figure mythologique dans le mélodrame européen des annèes 10”

Troisième jour

Aucune présentation ce jour.

Quatrième jour

Ruggero Pierantoni (CNR, Assessorato alla Cultura e Spettacolo, Comune di Genova), “Il cinema e l’infelice terza dimensione”

Gian Piero Brunetta (Università di Padova), “Ut pictura cinema”

Pierre Sorlin (Université de Paris III), “Una pittura in movimento: l’esperienza dell’avanguardia cinematografica tedesca 1908-1920”

André Gaudreault (Université de Montréal) and Roger Odin (Université de Paris III), “Le cinématographe, un ‘enfant prodige,’ ou: l’enfance de l’art…cinématographique”

Trond Lundemo (Stockholm University), “La Dentellière and the Calculated Image”

 

Raymond Bellour (CNRS), “Le regard comme point de lumière et de mort (à travers Le Château des Carpates de Jules Verne)”

Maria Tortajada (Université de Lausanne), “Le cinématographe contre la photographie dans l’œuvre d’A. Jarry”

Richard Abel (Drake University, USA), “Reframing the Debate over Vaudeville and Moving Pictures During the Nickelodeon Period”

Edouard Arnoldy (Université de Liège), “Du music-hall aux musicals, du ‘film chantant et parlant’ au cinéma parlant”

John Fullerton (Université de Stockholm), “Multimedial Visuality and Intertitles in The Girl from the Marsh Croft (Sjostrom, 1917)”

Jean-Pierre Sirois-Trahan (Université de Montréal), “Trompe-l’œil et réception spectatorielle du cinéma des premiers temps: l’exemple du dispositif de représentation scénique chez Méliès”

Cinquième jour

Ian Christie (Birkbeck College, Université de Londres), “Painters and Cinema 1910-1913”
Angela Dalle Vacche (Emory University, USA), “Cinema and Arts: The Study of Visual Forms”

Ivo Blom (Universiteit Amsterdam), “Quo Vadis? From Academic Painting to Early Italian Cinema and Everything in Between”

Andres Janser (Universität Zürich), “Architecture in Motion: the Kulturfilm and the Idea of Architectural Reform in Germany”

Lauren Rabinovitz (Université d’Iowa), “The Portable Flâneur: The Urban Vision of Early Movies and Picture Postcards”

Pelle Snickars (Université de Stockholm), “Vues instantanées. Stereographs, Lantern Slides, Postcards and Nonfiction Film”

Jeff Klenotic (Université de New Hampshire, USA), “Cinema and the Art of the Sale: The Interaction of Film and Advertising”

Dick Tomasovic (Université de Liège), “Les greffes du corps animé: Winsor McCay, de la bande dessinée au film d’animation”

Charlie Keil (Université de Toronto), “Patriotic Pageants in Toronto”

Yuri Tsivian (Université de Chicago), “Style and Story in Early Cinema”

ACTIVITÉS DANS LA SOIRÉE

Il y a eu quatre soirées de visionnement de films accompagnés par la musique de Carlo Moser.

PUBLICATIONS

Leornardo Quaresima and Laura Vichi, eds., La decima musa. Il cinema e le altre arte (Udine: Forum, 2001). 640 pages.